Rééducation maxillo-faciale

Accès aux soins face à l’enjeu de la rééducation maxillo-faciale dans les dyspraxies oro-faciales – Enquête auprès des orthodontistes en France

Health care access and maxillofacial rehabilitation issue with orofacial dyspraxia – Survey on french orthodontists

Sarah Daunay, Kinésithérapeute DE, DU de technique de rééducation maxillo-faciale, Université Montpellier, Certificat de t hérapie manuelle orthopédique

Isabelle Breton-Torres, Kinésithérapeute DE, référent pédagogique IFMK Montpellier, Responsable DU « technique de rééducation maxillo-faciale, » Université Montpellier

Pierre Leclercq, Spécialiste Qualifié en ODF

Patrick Jammet, Chirurgien Maxillo-Faciale, Praticien Hospitalier, Responsable DU « technique de rééducation maxillo- faciale, » Université Montpellier

Résumé

Introduction : L’inégalité d’accès aux soins de rééducation maxillo-faciale pour les patients traités en orthodontie est un problème récurrent auquel sont confrontés les praticiens dans leur prise en charge. Afin de pallier cette pénurie de rééducateurs formés, certains orthodontistes utilisent des exercices ainsi que des appareils fonctionnels et coercitifs et prodiguent des conseils d’auto rééducation ou d’hygiène de vie. L’objectif primaire de cette étude est de déterminer, dans le cadre des dyspraxies oro-faciales, la proportion de patients pris en charge par un rééducateur spécialisé dans le cadre de leur traitement d’orthodontie, ainsi que les attentes des praticiens. L’objectif secondaire est de mettre en lumière le comportement des orthodontistes en cas d’absence de prise en charge de leur patient.

Matériel & Méthode : Cette étude épidémiologique, observationnelle, descriptive, transversale et unique, consiste en un  questionnaire qui a été soumis par e-mail à 500 orthodontistes en activité en février 2018 en France. L’enquête a été réalisée sur le logiciel « Googleform », les statistiques étaient réalisées directement via le logiciel et les réponses ouvertes analysées de façon descriptives par les auteurs.

Résultats : 200 questionnaires ont été remplis. Parmis les orthodontistes adressant leur patients chez un rééducateur spécialisé, 33% estiment que la totalité est prise en charge. Chez les 67% restant, 59% des orthodontistes pratiquent une rééducation par eux-mêmes.

Conclusion : L’enquête révèle un accès à la rééducation limité pour une partie de patients qui en auraient besoin.

Abstract

Introduction   : Maxillofacial rehabilitation accessibility is a frequent issue that orthodontists have to deal with. In order to overcome this lack of practitioners. The secondary objective is to highlight the behavior of orthodontists whn their patients can not be taken care of.

Method : This epidemiological, observational, descriptive, cross-sectional and unique study consists in a survey that was submitted by e-mail to 500 orthodontists working in February 2018 in France. It was carried out on the software «Googleform», the statistics were made directly via the software and open responses analyzed descriptively by the authors.

Results: 200 questionnaires were completed. Among orthodontists who refer their patients to a specialized reeducator, 33% consider that the totality is being taken care of. In the remaining 67%, 59% of orthodontists practice self-rehabilitation

Conclusion: The survey reveals limited access to rehabilitation care for patients who need it.

Mots-clés

Rééducation, dyspraxies, rééducation fonctionnelle, orthodontie, kinésithérapie-orthophonie

Keyword

Rehabilitation, dyspraxia- oro- myo-functionnal therapy, orthodontics- physiotherapist, speech therapist

Introduction

L’inégalité d’accès aux soins de rééducation maxillo-faciale pour les patients traités en orthodontie est un problème récurrent auquel sont confrontés les praticiens dans leur prise en charge. Malgré le bénéfice avéré de la rééducation maxillo-faciale dans la prise en charge des dyspraxies oro-faciales, nombreux orthodontistes se trouvent face à la difficulté d’adresser à un professionnel spécialisé (kinésithérapeute/orthophoniste) : manque de professionnels, réseau mis en place, délais de prise en charge, etc. Afin de pallier cette pénurie de rééducateurs formés, certains orthodontistes utilisent des exercices ainsi que des appareils fonctionnels et coercitifs et prodiguent des conseils d’auto rééducation ou d’hygiène de vie.

Ce travail a pour ambition de réaliser un état des lieux sur les habitudes et la pratique des orthodontistes en matière de rééducation maxillo faciale.

L’objectif primaire est de déterminer, dans le cadre des dyspraxies oro-faciales, la proportion de patients pris en charge par un rééducateur spécialisé dans le cadre de leur traitement d’orthodontie. L’objectif secondaire est de mettre en lumière le comportement des orthodontistes en cas d’absence de prise en charge de leur patient.

Enfin l’enquête s’intéresse aux conditions de mise en place des collaborations

interdisciplinaires entre ODF et rééducateurs, aux attentes des ODF lors de la prise en charge rééducative en termes de bilan et de rééducation.

Le ressenti des praticiens interrogés sur la qualité et l’efficacité des actions de rééducation menées est aussi évalué.

Méthode

Un questionnaire a été soumis par e-mail à 500 orthodontistes en activité en février 2018. Ce questionnaire nominatif comportait des questions sur :

  • les difficultés rencontrées pour adresser un patient à un kinésithérapeute / orthophoniste et leurs causes (nombre de rééducateurs à proximité, délais de rendez-vous, réseau de professionnels spécialisés, etc.)
  • le comportement des orthopédistes dento-facial (ODF) face à cette difficulté (intérêt et importance de la rééducation, dispositifs d’appareillage fonctionnels, exercices, livrets donnés aux patients…)
  • les moyens de mise en relation des professionnels de santé (congrès, démarches personnelles, réseau en ligne, etc.)

L’enquête a été réalisée sur le logiciel « Googleform », les statistiques étaient réalisées directement via le logiciel et les réponses ouvertes analysées de façon descriptives par les auteurs.

Résultats : 200 questionnaires ont été remplis (8,4% de la population active des ODF en France, 40% du taux de retour). Les résultats sont reportés sur un tableau réalisé par les auteurs. (tab. 1)Rééducation maxillo-faciale

Les résultats montraient que :

Les ODF sont 98,5% à être convaincus de l’importance de la rééducation dans la prise en charge de leurs patients dyspraxiques et 96% les adressent chez un professionnel de santé spécialisé.

Ils sont 33% à estimer la totalité de leurs patients adressés pris en charge, et attendent à 78% une synthèse du bilan initial et à 76% celle du bilan final. Les ODF souhaitent, pour une grande majorité, une rééducation des fonctions musculaires labiales, jugales, linguale, de la ventilation et de la déglutition (99,5%) ; une rééducation des ATM (60%) ; une éducation posturale (58%) ainsi qu’une éducation de la famille à la réussite de la rééducation et du traitement ODF (52%).

Sur les 192 ODF ayant répondu à ce stade du questionnaire aucun ne mentionne le même intitulé sur l’ordonnance. On retrouve cependant les mots clés suivant : bilan-rééducation-ventilation-déglutition-position linguale- dyspraxies.

Plus d’un tiers des ODF qui envoient leurs patients réaliser une rééducation n’ont pas de collaborateur en particulier. Dans le cas contraire, c’est par « bouche à oreille » qu’ils le connaissent en majorité. Moins d’un tiers des orthodontistes a été contacté par le rééducateur ou l’a trouvé à la suite de recherches ou lors d’un congrès / évènement scientifique.

Un tiers de patients sont envoyés en rééducation, contre 2/3 non pris en charge : 59,4% sont rééduqués ou sensibilisés par l’ODF lui-même par différents moyens (temps d’explication patient/ famille (94%) ; fiches d’exercices (56%) ; vidéos (13%) ; etc.) et par l’appareillage (enveloppe linguale nocturne (ELN, 84%), éducateur fonctionnel (EF, 80%), écran buccal (48%), grille à pouce (37%), matrice linguale (29%), etc.) et 40,6% n’ont pas du tout de rééducation (manque de temps de l’orthodontiste, résultats insatisfaisants)

Une des causes invoquées par une forte proportion d’ODF (82,3%), pour l’absence de prise en charge par un kinésithérapeute ou un orthophoniste, est le délai d’attente trop long.

On note que les orthodontistes qui effectuent eux-mêmes la rééducation considèrent :

  • pour 63,3% leur rééducation moins efficace que celle d’un kinésithérapeute ou orthophoniste,
  • 29,1% ne savent pas s’il existe une différence d’efficacité
  • 7,6% se trouvent aussi efficace (fig.1).

L’âge moyen des ODF ayant répondu au questionnaire est de 41,9 ans (Ecart type EC=13,4).

23% ont moins de 30 ans, 43% entre 30 et 50 ans et 34 % de plus de 50 ans.

La faculté d’origine et le département où ces derniers exercent sont hétérogènes (fig. 2).

Discussion

Dyspraxies

Les dyspraxies sont définies comme un trouble spécifique du développement moteur qui se caractérise essentiellement par un dysfonctionnement du développement de la coordination motrice et qui n’est pas causée par une sous efficience intellectuelle ou une affectation neurologique spécifique congénitale ou acquise[15]. Les dyspraxies oro-faciales concernent la déglutition, la position de repos de la langue, la phonation, (triptyque indissociable selon Château)[3].

Elles sont le plus souvent dépistées par l’orthodontiste et bilantées chez le rééducateur (kinésithérapeute ou orthophoniste).  Le bilan réalisé englobe les praxies de ventilation, mastication, les parafonctions, le bilan articulaire des articulations temporo-mandibulaire (ATM) et de la posture cervico-céphalique.

S’il existe deux courants en orthodontie, les mécanistes et fonctionnalistes, les spécialistes en ODF s’accordent aujourd’hui sur l’importance de l’équilibre labio-jugo-lingual et de la posture dans la réussite du traitement orthodontique et de sa pérennité. On retrouve dans la littérature cette imbrication entre les fonctions oro-faciales et la croissance du maxillaire, ainsi que de la base du crâne. La rééducation des fonctions et des praxies a en effet une place évidente dans le traitement orthodontique résultats de l’enquête sur les des patients dysfonctionnels.

Selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) en 2002, « Les troubles des fonctions oro-faciales doivent être corrigées par rééducation au plus tôt dès que l’environnement nécessaire à cette correction est compatible avec l’acquisition par l’enfant des procédures correctives »[12].

L’enquête réalisée montre que les orthodontistes ont connaissance de ces données de la littérature puisque la majorité (96%) adresse les patients vers un kinésithérapeute ou orthophoniste. On estime cependant dans l’enquête que seul un tiers des patients bénéficie de rééducation par un rééducateur, un autre tiers avec l’ODF (dont seulement 7,6 % estiment être au moins aussi efficace qu’un spécialiste) et le dernier tiers n’a pas accès aux soins. Pourtant les recommandations de la HAS stipulent l’importance de détecter les dysfonctions oro-faciales[12], qui sont un signe d’alerte, et d’adresser les patients en rééducation.

Les patients ne bénéficiant pas de rééducation des fonctions oro-faciales et des dyspraxies par un kinésithérapeute formé, ou orthophoniste, souffrent d’une perte de chance dans leur traitement orthodontique. Le Pr Delaire aborde la notion de cascade dysmorpho-fonctionnelle (fig. 3) et l’on comprend la place de la prise en charge pluridisciplinaire dans le traitement ODF[8].

Population

La répartition géographique des spécialistes en ODF ayant répondu à l’enquête est représentative de celle des orthodontistes en France, avec une moyenne d’âge de 41,9 ans, et il en est de même concernant les facultés d’origine et leur département d’exercice. (fig. 2 et 4)

Selon les données de l’Ordre National des Chirurgiens-Dentistes (ONCD), la situation des orthodontistes au 23 mars 2018 est de 2 368 praticiens[7]. On retrouve sur les cartes ci-jointes une répartition cohérente entre les ODF ayant répondu au questionnaire et leur département où ils exercent et la carte de l’ONCD de la part des spécialistes ODF par département (fig. 4 et 5).

Les orthophonistes sont au nombre de 25 467 en France au 1er janvier 2017 (source DRESS)[10] (fig. 6) et les kinésithérapeutes au nombre de 85 223 (source ORDRE MK) au 31 août 2017[6]. Les kinésithérapeutes ont une formation initiale en rééducation maxillo-faciale à l’institut de formation en masso-kinésithérapie (IFMK) qui dépend de chaque école en termes de volume horaire. Cette formation est souvent insuffisante / incomplète pour la prise en charge des patients dans leur exercice professionnel.

Selon une étude réalisée dans le cadre d’un mémoire par une élève du Diplôme Universitaire (D.U) de « techniques de rééducation oro-faciale » de la faculté de Montpellier on estime en 2016 à 4 600 le nombre de kinésithérapeutes spécialisés, formés en formation continue, et exerçant la rééducation maxillo-faciale[9].

Dans cette même étude une cartographie des kinésithérapeute formés en rééducation maxillo-faciale a été réalisée (fig. 7).

Accès à la rééducation

L’analyse des cartes ci-jointes et des données démographiques, montre un déséquilibre entre les ODF qui envoient potentiellement leurs patients en rééducation et les kinésithérapeutes et orthophonistes formés en rééducation maxillo-faciale : l’offre et la demande des soins n’est pas équilibrée.

Les résultats de l’enquête sont cohérents avec ces données puisque les délais de prise en charge trop importants et le manque de collaborateurs sont les éléments qui ressortent comme motif d’absence de prise en charge rééducative des patients. Par ailleurs l’enquête révèle que 7,6% des orthodontistes qui rééduquent par eux-mêmes estiment leur rééducation au moins aussi efficace qu’un kinésithérapeute ou orthophoniste : force est de constater à la vue de ce faible pourcentage qu’il existe un réel besoin en kinésithérapeute formés et orthophonistes.

Cotation et intitulé de la prescription

L’intitulé de l’ordonnance n’est pas ou peu connu des orthodontistes puis qu’il ne ressort aucun consensus dans le libellé des ordonnances. Il semble donc nécessaire de communiquer entre professionnels de santé autour des cotations, des remboursements, des intitulés et de la prise en charge du patient.

Orthophonie

Selon la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) des actes orthophoniques la prescription doit être rédigée dans les termes « Bilan orthophonique et rééducation si nécessaire des fonctions oro-myo-faciales, de l’oralité et de la ventilation nasale »[11].

La nomenclature des actes d’orthophonie évolue pour la prise en charge des dysfonctions linguales avec l’Arrêté du 18/07/2017 de l’Union Nationale des Caisses d’Assurance Maladie (UNCAM) paru au Journal Officiel (JO) le 21/03/2018.

La cotation du bilan passe d’1 AMO16 à 1 AMO 30 (40 € à 75 €) puis en Janvier 2019 : 85 €.

La cotation d’une séance passe d’1 AMO8 ou 1AMO10.3 à 1 AMO13.5 (20 € à 33,75 €). Pour rappel, l’orthophonie consiste à prévenir, à évaluer et à traiter les difficultés ou troubles :

  • du langage oral et écrit et de la communication,
  • des fonctions oro-myo-faciales,
  • des autres activités cognitives dont celles liés à la phonation, à la parole, au langage oral et écrit, à la cognition mathématique[17].

Kinésithérapie

Selon la NGAP des actes masso-kinésithérapique – version Mai 2019 la prescription doit être rédigée dans les termes du tableau ci-joint, à 15,05 € la séance[14] (fig. 8).

La cotation sera valorisée au 3 juillet 2019 en passant d’un AMK7 à un AMK7.6 (16,34 €) puis une seconde fois au 1er juillet 2021 en AMK8 (17,02 €). Concernant la cotation du bilan elle est d’un AMS10.7 (23 €) et l’ordonnance stipule « Bilan diagnostic kinésithérapique des fonctions musculaires labiales, jugales, linguales, de la ventilation, de la déglutition, de la mastication, des deux ATM et de la posture cervico-céphalique ». Pour rappel la pratique de la masso-kinésithérapie comporte la promotion de la santé, la prévention, le diagnostic kinésithérapique et le traitement des troubles du mouvement ou de la motricité de la personne ; des déficiences ou des altérations des capacités fonctionnelle[5].

Rééducation : mise en place/ attentes / limites

Selon l’une des pionnières de la rééducation des dyspraxies oro-faciales, Mme Maryvonne Fournier, le bilan initial et final doivent être envoyés à l’orthodontiste prescripteur[11]. Ce que nous retrouvons dans les attentes des ODF dans l’enquête à plus de 70%. Le kinésithérapeute ou orthophoniste doit échanger avec l’orthodontiste prescripteur, envoyer le bilan initial et final, ou leur synthèse, communiquer lorsque l’appareillage ne permet pas la rééducation, lorsqu’une frénectomie est nécessaire, lorsque le kinésithérapeute a des difficultés dans le traitement.

Les techniques de rééducation décrites par Maryvonne Fournier puis par

Mme Breton-Torres[1],  entrent dans une rééducation globale du patient, des dyspraxies, fonctions, parafonctions et de la posture. Les orthodontistes de l’enquête attendent pour la plupart une rééducation des fonctions musculaires labiales, jugales, linguales, de la ventilation, de la déglutition et secondairement une éducation de la famille, travail postural et rééducation des troubles de la cinétique de l’appareil manducateur.

Le kinésithérapeute ne rééduque pas une Nocturne de Bonnet dyspraxie isolée mais un ensemble de dysfonctions oro-faciales qui sont le traitement de l’étiologie des déformations et dysharmonie de la croissance osseuse squelettique du patient[1]. La question de la mastication n’a pas été abordée dans l’enquête mais elle tient une place essentielle dans la croissance osseuse par une mastication unilatérale alternée décrite par Planas[16].

Les techniques de rééducation des orthodontistes passent par un temps d’explication et de conseils ainsi que par l’appareillage fonctionnel passif et actif. Ces nombreux appareils sont largement décrits dans la littérature : l’éducateur fonctionnel (EF), l’enveloppe linguale nocturne de Bonnet (ELN), l’activateur avec tunnel lingual, écran buccal, grille à langue, plaque échancrée, plaque à perle, matrice linguale, régulateur de fonction de Fränkel, froggymouth, appareils de Robin, Balters, Macary, Pull, lip bumper, plaque à piste de Planas, etc.

L’enquête montre que les orthodontistes utilisent en pratique l’ELN et l’EF à plus de 79 % (fig. 9 et 10). L’appareillage ayant ses avantages et ses inconvénients doit nécessairement être accompagnés d’un contrôle des fonctions et d’un suivi avec explications au patient et à la famille.

Travail pluridisciplinaire

Comme le met en évidence Dr Serre et Mme Breton-Torres dans un article sur le dépistage des dyspraxies oro-faciales de façon conjointe entre orthodontiste et kinésithérapeute, il est essentiel de travailler main dans la main dans le souci d’un traitement orthodontique réussi[2]. Pourtant l’enquête nous laisse penser que, malgré les connaissances communes des kinésithérapeutes et orthodontistes, le réseau de soins dans lequel devrait entrer le patient dyspraxique qui consulte l’orthodontiste n’est pas au point. Les ODF ont rencontrés leur correspondant kinésithérapeute ou orthophoniste par bouche à oreille pour 39 %.

Il n’existe pas de réseau français de rééducation maxillo-faciale, regroupant tous les kinésithérapeutes formés et pratiquant la rééducation dans leur cabinet ou à l’hôpital. Il est alors difficile pour l’orthodontiste de savoir à qui adresser les patients, et les délais chez les orthophonistes sont souvent trop importants. Pourtant 99,5% des orthodontistes ont répondu être intéressés par un annuaire de correspondants kinésithérapeutes et orthophonistes formés en rééducation maxillo-faciale. Les auteurs vous joignent l’annuaire de la Société Internationale de Kinésithérapie Linguale Oro-Maxillo-Faciale (fig. 11).

Limites de l’enquête

L’enquête s’intéresse aux dyspraxies oro-faciales mais ne mentionne pas les différents acteurs de l’équipe pluridisciplinaire comme le chirurgien maxillo-faciale, le chirurgien-dentiste, l’ORL et l’allergologue. On connaît pourtant la place prépondérante dans le traitement orthodontique de ces spécialités médicales.

La rééducation des fonctions et praxies oro-faciales ne peut avoir de résultats stables dans le temps, ni d’automatisation, si le cadre squelettique et les dysmorphoses ne sont pas traitées par le chirurgien, assisté du dentiste si besoin, et si la perméabilité des,cavités nasales et les allergies ne sont pas traitées par l’ORL et l’allergologue.

Par ailleurs, la pérennité du résultat en orthodontie est dépendante de la suppression des parafonctions, et il peut être nécessaire de faire appel à un professionnel de santé pour aider à travailler sur le stress et les tensions qui entraînent ces parafonctions (sophrologue / psychologue / acupuncture / hypnothérapeute / etc.)

Par ailleurs l’enquête n’est représentative qu’à 8,4% de la population des orthodontistes en France. Un échantillon qui ne permet pas de conclure sur les résultats mais donne un aperçu et une ébauche dans le réseau de soins d’un patient suivi en orthodontie.

Dans la littérature on ne retrouve pas de protocole reconnu de rééducation maxillo-faciale, ni chez les kinésithérapeutes et orthophonistes, ni vis-à-vis des appareillages fonctionnels utilisés en orthodontie. On trouve dans la littérature des indications pour ces derniers et des méthodes qui ont prouvées leur efficacité (méthode Maryvonne Fournier[4]).

Conclusion

Le rôle du spécialiste en ODF ne réside pas uniquement dans l’alignement dentaire. Il guide et accompagne la croissance osseuse au travers de son traitement, en équilibre constant avec les fonctions oro-faciales.

L’orthodontiste dépiste les dyspraxies, et le kinésithérapeute / l’orthophoniste réalise un bilan initial des dysfonctions, des dyspraxies, de la cinématique de l’appareil manducateur ainsi que de la posture du patient. Puis ce-dernier réalise une rééducation, avec surveillance et contrôle par l’orthodontiste, jusqu’à l’automatisation des « bonnes » praxies.

L’enquête révèle un accès à la rééducation limité, voire nul, pour une partie de patients qui en auraient besoin :  les délais sont trop longs, les collaborateurs manquent ou ne sont pas connus.

Si les cotations pour les orthophonistes ont été revues et augmentées en 2018 (de 20 € à 33,75 € la séance), celle des kinésithérapeutes formés en rééducation maxillo-faciale passera de 15,05 € à 16,34 € la séance au 3 Juillet 2019, puis à 17,02 € au 1er Juillet 2021. Cette cotation qui ne reflète ni le temps, ni le travail fourni par ces-derniers n’est pas attrayante pour les kinésithérapeutes souhaitant se former en rééducation maxillo-faciale.

On sait que la formation initiale en institut de formation kinésithérapique est dépendante de chaque institut et le praticien doit se former par la suite (Diplôme universitaire, formations privées).

Les kinésithérapeutes doivent continuer à publier, à faire des recherches pour faire avancer la rééducation maxillo-faciale et permettre d’améliorer ces cotations. Les interventions dans les instituts de formation et l’ouverture de terrains de stage pour les étudiants sont nécessaires. La rééducation maxillo-faciale a besoin de praticiens formés.

Les orthodontistes ne savent pas ou peu vers qui adresser leurs patients et sont intéressés par un annuaire de praticiens. Un réseau « de référence » des praticiens formés en rééducation maxillo-faciale et accessible au plus grand nombre serait idéal afin de pallier le déséquilibre entre le besoin de rééducation et l’offre par les kinésithérapeutes et orthophonistes.

L’ouverture des congrès, des conférences et autres formations scientifiques à l’interdisciplinarité permet la rencontre entre les professionnels, l’échange, la mise en commun et mise à jour des connaissances.

L’importance d’un discours commun auprès du patient participe à son investissement et à sa motivation dans le port d’un appareillage fonctionnel (ODF) et des exercices de thérapie myofonctionnelle à réaliser quotidiennement (kinésithérapeute / orthophoniste).

La réussite du traitement orthodontique dépend donc de l’implication du patient.

Ce dernier doit comprendre son parcours de soins et l’intérêt tant esthétique que fonctionnel de sa prise en charge pluridisciplinaire afin d’éviter les récidives.

Un réseau de soins logique et connecté entre les différents acteurs de soins doit être mis en place : orthodontistes, kinésithérapeutes et orthophoniste, chirurgien-dentiste, ORL, allergologue, chirurgien maxillo-facial et médecin traitant (fig. 12).

Bibliographie

  1. Breton-Torres I, Fournier M. Rééducation du temps buccal de la déglutition salivaire et des dyspraxies orofaciales. Bilan et rééducation. EMC – Médecine buccale 2016;0(0):1-14 [Article 28-650-A-20].
  2. Breton-Torres I, Serre M. Langue, ventilation, parafonction du diagnostic à la rééducation : quels enjeux ? Kinésithér Scient 2016,575:25-34.
  3. Château M. Orthopédie Dento-Faciale. Paris : Masson. 1975.
  4. Chauvois A, Fournier M, Girardin F. Rééducation des fonctions dans la thérapeutique La bibliothèque orthodontique- Ed SID. 1991.
  5. Code de la Santé Publique – Article L4321-1 (28 janvier 2016).
  6. Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes (31 août 2017) Rapport : Démographie des kinésithérapeutes.
  7. Conseil National de l’Ordre des Chirurgiens-Dentistes (2018) Cartographie et données publiques.
  8. Delaire J. Le rôle du condyle dans la croissance de la mâchoire inférieure et dans l’équilibre de la face. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1990 ;91 : 179-92.
  9. Devulder S. Etat des lieux des diplômés en rééducation maxillo-faciale, en vue de la création d’un réseau [mémoire]. Montpellier : Université de Montpellier ; 2018.
  10. Fédération Nationale des Orthophonistes (6 mars 2018) L’orthophonie en chiffres.
  11. Fournier M, Girardin M . Acquisition et maintien des automatismes en rééducation maxillo-faciale. EDP Sciences. 2013.
  12. HAS (2002). Indications de l’orthopédie dento-faciale et dento-maxillo-faciale chez l’enfant et l’adolescent.
  13. Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP), page 70 (14 avril 2018 ).
  14. Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP), page 84 (14 avril 2018).
  15. OMS (2008) Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes Version 2008 CIM-10 -F82.
  16. Planas P. Rehabilitation neuro-occlusale (RNO) 2e Rueil-Malmaison : Éditions CdP, 2006.
  17. Référentiel d’activités du Certificat de Capacité en Orthophonie, Bulletin officiel n° 32 du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (5 septembre 2013).
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