La prise en charge d’agénésie(s) d’incisive(s) latérale(s) par réouverture (ou maintien) d’espace nécessite une coordination pluri-disciplinaire afin d’obtenir un résultat stable et esthétique. Les solutions de temporisation prothétique à la suite du traitement orthodontique ont été maintes fois publiées : le bridge collé classique, la prothèse amovible partielle ou la gouttière. Cependant, l’évolution actuelle tend à faire du bridge collé cantilever le gold standard. C’est en effet la solution la plus esthétique, confortable et la moins délabrante en tissu dentaire, permettant d’attendre la mise en place de la coiffe implanto-portée en fin de croissance.
Il est à noter qu’aucun de ces moyens de temporisation ne permet une stimulation de la crête osseuse édentée et que cette dernière se résorbe inéluctablement par hypofonction, compromettant la prise en charge implantaire ultérieure. Nous allons ici décrire une technique originale de temporisation, permettant de stimuler la crête osseuse tout en assurant le maintien de l’espace de façon esthétique.
Les mini-vis ont fait leur apparition en orthodontie dans les années 2000. Elles sont majoritairement utilisées comme ancrage dans les déplacements dentaires, mais présentent aussi des avantages biologiques non-négligeables. En effet, leurs présences influencent positivement le turn-over ainsi que la densité osseuse, permettant sa préservation en cas de potentielle résorption (1).
Les premiers travaux utilisant les mini-vis dans cet objectif ont été réalisés en les positionnant verticalement comme un implant classique, partant du postulat qu’une mini-vis ne s’ostéointègre pas, à la différence de ces derniers, et ainsi ne bloque pas la croissance verticale du procès alvéolaire. Or, les résultats d’une étude (2) ont montré un contact os/implant de l’ordre de 60 à 80% dans les premiers mois de cicatrisation, suffisant pour freiner voire inhiber la croissance verticale de la crête osseuse.
Melsen et al, ont rapporté en 2014 le cas d’un patient avec un édentement bilatéral symétrique mandibulaire (3). Deux mini-vis avaient été positionnées horizontalement comme ancrage dans chaque crête édentée. L’une avait été déposée et l’autre, oubliée par inadvertance. Un an plus tard, il a été observé une forte résorption osseuse horizontale du côté où la mini-vis avait été déposée, tandis que la crête édentée présentait un volume osseux important de l’autre.
Ainsi le concept de temporisation prothétique sur minivis à visée de stimulation osseuse voyait le jour (2). Il s’agit de positionner la mini-vis du côté palatin pour des raisons esthétique et fonctionnelle, et perpendiculairement à la crête osseuse pour des effets biologiques : stimulation osseuse horizontale sans risque de stopper la croissance osseuse verticale.
Réalisation clinique
Cette jeune patiente, âgée de 14 ans, nous est adressée afin de réaliser une temporisation prothétique avant la mise en place de la coiffe implanto-portée. La patiente présente une agénésie de la 12, avec perte de la dent temporaire préalablement au traitement orthodontique. On peut déjà apercevoir une résorption osseuse vestibulo-linguale (Fig. 1). La patiente présente un parodonte de type 1, et une absence de poche parodontale sur les dents adjacentes.
L’absence de contact occlusal dans les diverses fonctions (P.i.m, latéralités et guidage incisif) est contrôlée avec du papier articulé en bouche. Les meulages de mise en sous-occlusion sont réalisés hors de la cavité buccale.
La fixation est assurée par une ligature à la mini-vis, par la section du fil qui occupe la quasi-totalité de la gorge (figs 6 – 7) et par la réalisation d’une coudure à 90°, pour limiter les effets des forces axiales (Fig. 8).
La littérature actuelle a déjà montré que les mini-vis permettent de préserver l’os alvéolaire, ce qui faciliterait à terme la mise en place d’implant. Mais qu’en est-il d’une crête osseuse déjà résorbée en vestibulaire ? Les stimulations occlusales, labiales, et linguales délivrées à l’os par l’intermédiaire de la mini-vis en position horizontale aboutiraient-elles à le stimuler de nouveau ? La configuration décrite avec un système de forces qui s’exprime directement sur l’os permettrait-elle de le régénérer ? Si oui dans quelle mesure ? C’est tout l’objet d’une étude actuellement en cours dans les Universités d’Aix-Marseille et de Montpellier, qui aura aussi pour but d’évaluer la satisfaction des patients bénéficiant de cette solution de temporisation innovante.
Figure 1
Figure 2
Figure 3
Figure 4
Figure 5
Figure 6
Figure 7
Figure 8
La temporisation prothétique par mini-vis implantée horizontalement dans le palais est la seule technique à viser la réduction des effets néfastes de l’hypofonction osseuse lors de cette phase d’attente dans la prise en charge de nos patients. Elle mériterait d’être plus souvent utilisée dans l’avenir, ou du moins proposée parmi le panel des solutions prothétiques de temporisation. Elle est esthétique, fixe, relativement confortable, et permettrait, à bas coût, la préservation osseuse de la crête alvéolaire du patient. Elle peut être réalisée par l’omnipraticien seul, ou en coordination avec l’orthodontiste pour l’implantation et la réalisation du sectionnel.
L’auteur remercie l’interne en ODF Olivier BRETON pour sa collaboration dans la faculté de Montpellier les internes en MBD Charlotte MANSUY et Angéline ANTEZACK pour leur aide dans la réalisation de ce cas clinique, , ainsi que le Pr Virginie MONNET-CORTI et le Dr Michel LE GALL pour leur soutien et conseils avisés.
(1) Melsen B et Lang NP. Biological reactions of alveolar bone to orthodontic loading of oral implants. Clin. Oral Implants Res 2001:12(2);144-52.
(2) Ciarlantini R et Melsen B. Miniscrew-Retained Pontics in Growng Patients: A Biological Approach. J Clin Orthod. 2012 Oct;46(10):638-40.
(3) Melsen B, Huja SS, Chien HH et Dalstra M. Alveolar bone preservation subsequent to miniscrew implant placement in a canine model. Orthod Craniofac Res. 2015 May;18(2):77-85
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