Traitement orthodontique par mini-vis

Préservation osseuse et temporisation prothétique par mini-vis dans les cas d’agénésies des incisives latérales

Bone preservation and prosthetic temporization by mini-screws in case of lateral incisors agenesis

Onghena , O. Breton, P. Leclercq

Résumé

En cas de réouverture d’espace dans les situations d’agénésie(s) d’incisive(s) latérale(s), les solutions de temporisation prothétique à la suite du traitement orthodontique ont été maintes fois publiées : l’évolution actuelle tend à faire du bridge collé cantilever le gold standard. Il faut toutefois noter que ce moyen thérapeutique ne permet pas une stimulation de la crête osseuse édentée, et que cette dernière se résorbe inéluctablement, compromettant ainsi la prise en charge implantaire ultérieure et/ou le résultat esthétique à moyen et long terme.

Nous allons décrire ici une technique originale de temporisation, permettant de stimuler la crête osseuse tout en assurant le maintien de l’espace de façon esthétique.

Abstract

There have been many publications about prosthetic temporary solutions following orthodontic treatments for space reopening in lateral incisor agenesia : the actual trend considers cantilever bridge beeing the gold standard. However, it is important to remember that this therapeutic technique does not allow stimulation for toothless bone crest. Therefore, it is impossible to prevent bone resorption, with a risk of compromising the future implant set up, as well as the medium and long term esthetical result.

Our paper will describe an original temporization technique, allowing bone crest stimulation, while maintaining the spacing in an aesthetical way.

Mots clés

Préservation osseuse, mini-vis, agénésie, temporisation

Keyword

Bone preservation, mini-screw, tooth agenesis, prosthetic temporisation

Il est maintenant admis de tous que l’os alvéolaire nait, vit et meurt avec la dent. De nombreuses études ont mis en évidence un processus de résorption de la crête alvéolaire en cas de perte ou d’absence d’un organe dentaire. Cette résorption touche en premier l’épaisseur, puis la hauteur, et aucune thérapeutique ou attitude clinique n’ont pu, à ce jour, enrayer ce processus. Ainsi, dans les cas de réouverture d’espace orthodontique suite à l’agénésie d’une ou plusieurs incisive(s) latérale(s), la pose éventuelle d’un implant en fin de traitement s’en voit compliquée par la réduction du volume osseux.

Les derniers travaux de Birte Melsen laissent suggérer que la stimulation de la crête alvéolaire par l’implantation d’une mini-vis pourrait contrer cette résorption, dite par hypofonction, par une augmentation du turn-over et de la densité osseuse. Dans quelle mesure ce phénomène pourrait-il être objectivable ? Qu’en est-il d’une crête osseuse déjà résorbée en vestibulaire ? Les stimulations occlusales, labiales, et linguales délivrées à l’os par l’intermédiaire de la mini-vis en position horizontale aboutiraient-elles à le stimuler de nouveau ? La configuration décrite avec un système de forces qui s’expriment directement sur l’os permettrait-elle de le régénérer ? C’est tout l’objet d’une étude, actuellement en cours, entre les Universités françaises d’Aix-Marseille et Montpellier, ainsi que Bologne en Italie. L’étude aura aussi pour but d’évaluer la satisfaction des patients bénéficiant de cette solution de temporisation innovante.

Connaissance actuelles

Les mini-vis se sont démocratisées en orthodontie dans les années 2000. Elles sont majoritairement utilisées comme ancrage dans les déplacements dentaires, mais présentent aussi des avantages biologiques non-négligeables. En effet, leur présence influence positivement le turn-over ainsi que la densité osseuse, permettant sa préservation en cas de potentielle résorption5.

Les premiers travaux utilisant les mini-vis en tant que système de temporisation ont été réalisés en les positionnant verticalement comme un implant classique. Cette théorie partait du principe qu’une mini-vis ne s’ostéointègre pas, à la différence de l’implant, et ne bloque ainsi pas la croissance verticale du procès alvéolaire lors de la croissance. Or, les résultats d’une étude3 ont montré un contact os/implant pouvant être de l’ordre de 60 à 80 % dans les premiers mois de cicatrisation, suffisant pour freiner voire stopper la croissance verticale de la crête alvéolaire.

Par la suite, Melsen et al., ont rapporté en 2014 le cas d’un patient avec un édentement bilatéral symétrique mandibulaire4. Deux mini-vis avaient été positionnées horizontalement comme ancrage dans les crêtes édentées du secteur 3 et 4. En fin de traitement, l’une avait été déposée et l’autre, oubliée par inadvertance. Un an plus tard, il a été observé une forte résorption osseuse horizontale du côté où la mini-vis avait été déposée, tandis que la crête édentée présentait un volume osseux plus important de l’autre.

Ainsi le concept de temporisation prothétique d’agénésie d’incisive latérale sur mini-vis, à visée de stimulation osseuse, voyait le jour3. Il s’agit de positionner la mini-vis du côté palatin pour des raisons esthétiques et fonctionnelles. De plus, cette dernière est implantée le plus perpendiculairement possible à la crête osseuse pour des raisons biologiques, afin de permettre une stimulation osseuse horizontale sans risque de stopper la croissance osseuse verticale.

Réalisation clinique

Cette jeune patiente, âgée de 14 ans, nous est adressée afin de réaliser une temporisation prothétique avant la mise en place de la coiffe implanto-portée. La patiente présente une agénésie de la 12, avec perte de la dent temporaire préalablement au traitement orthodontique. On peut déjà apercevoir une résorption osseuse vestibulo-linguale (fig. 1). La patiente présente un parodonte de type 1, et une absence de poche parodontale sur les dents adjacentes.

Matériel :

  • Mini-vis de type Aarhus Bracket-Head 0,022 x 0,028 inch de 6 mm de longueur filetée et 1,5 mm de largeur.
  • Sectionnel en alliage acier 0,021 x 0,025 inch.

L’avantage de cet alliage est multiple : le module de Young élevé, associé à la faible longueur du sectionnel évite une mobilité trop importante de la dent et une éventuelle déformation permanente, grâce à un rapport charge/flexion suffisant. De plus la rétention dans la gorge de la mini-vis se faisant en partie par friction, il est important d’utiliser un matériau résistant à l’usure. L’utilisation de l’alliage Titane-Molibdène (TMA) est également possible mais sa fragilité, sa ductilité et son usure avec le temps1 tendent à réduire la longévité du dispositif dont la réfection peut être chronophage. Une coudure sera réalisée afin de permettre l’insertion du sectionnel avec un angle de 90° entre son orientation et celle de la gorge. En effet, suite à l’usure de l’état de surface de plusieurs sectionnels réalisés dans le même axe que la gorge d’insertion, nous avons dû faire face à des urgences impliquant le glissement de ce dernier (fig. 2)

  • Moule préformé en polycarboxylate
  • Ligature en acier
Fig. 4 : coupe coronale oblique en regard du site agénésique après implantation de la mini-vis. Noter l’insertion quasi perpendiculaire Fig. 3 : radiographie rétro-alvéolaire du site d’agénésie de la vis et sa proximité avec le corticale vestibulaire garante d’une objectivant un parallélisme des racines et un niveau bonne préservation du volume de la crête osseuse dans ses dimensions osseux vertical satisfaisant. horizontales et verticales.

Fig. 5 : vue occlusale après implantation de la mini-vis et insertion du sectionnel en acier. (Noter les coudures permettant une réserve de fil et la stabilité du sectionnel au cours du temps).

Fig. 6 : vue vestibulaire de l’émergence du sectionnel en acier permettant d’assurer la rétention mécanique de la couronne provisoire.

 

Phase clinique :

  • Radiographie rétro-alvéolaire du site afin de s’assurer des axes radiculaires (fig. 3).
  • Anesthésie locale par infiltration du palais avec une solution de Articaine 1/200 000.
  • La mini-vis est implantée en palatin du site d’agénésie, perpendiculairement à la crête osseuse, à travers la muqueuse palatine. Elle est orientée de façon à traverser la corticale palatine et venir en contact étroit avec la corticale vestibulaire (fig. 4).

Puis le sectionnel en acier 0,021 x 0,025 inch est réalisé dans la gorge de la mini-vis jusqu’à la crête édentée. Des coudures sont appliquées à ce dernier afin de garder une réserve de fil suffisante à une retouche éventuelle qui pourra être nécessaire suite à la croissance verticale de la crête. Le sectionnel se termine par une boucle verticale sur la crête suivant l’axe vestibulo-lingual des dents adjacentes afin d’assurer une rétention mécanique dans la résine et un profil d’émergence esthétique (fig. 5, 6).

Après choix de la teinte, la couronne provisoire peut être réalisée avec un moule préformé en polycarboxylate, comblé de résine acrylique chémopolymérisable, insérée sur le sectionnel jusqu’à prise complète.

L’absence de contact occlusal dans les diverses fonctions (PIM, latéralités et guidage incisif) est contrôlée avec du papier articulé en bouche. Les meulages de mise en sous-occlusion sont soient réalisés directement en bouche ou hors de la cavité buccale.

La fixation est donc assurée par :

  • une ligature à la mini-vis
  • la section du fil qui occupe la quasi-totalité de la gorge (fig. 7, 8)
  • la réalisation d’une coudure à 90°, pour limiter les effets des forces axiales (fig. 9)
  • ou enfin par le noyage de la tête de vis et du sectionnel dans du composite fluide – bien que cette acte ne favorise pas la réintervention.
  • L’aspect esthétique est contrôlé ainsi que la possibilité d’avoir recours à l’hygiène parodontale et dentaire.

 

Perspective d’avenir

La littérature actuelle a déjà montré que les mini-vis permettent de préserver le volume d’os alvéolaire. Cette préservation osseuse faciliterait à terme non seulement la mise en place d’implants mais pourrait également assurer la pérennité du résultat esthétique en évitant l’aspect de dents longues, un profil d’émergence inadapté des bridges collés, mais aussi préserver le rôle fonctionnel de déflexion du bol alimentaire exercé par le rempart alvéolaire permettant de prévenir une stase bactérienne et des tassements alimentaires sous le pontique(2). L’étude tente aujourd’hui de mettre en évidence le comportement du tissu osseux face à ce moyen de temporisation. Cette perspective de conservation/ régénération ouvrirait de nombreuses portes pour des solutions mixtes, alliant solutions actuelles (bridge collé cantilever, implant…) avec des mini-implants simples, et pourquoi pas, à l’avenir, des mini-implants spécialement conçus pour le maintien osseux sur le long terme (mini vis enfouies ou autre).

En conclusion

La temporisation prothétique par mini-vis implantée horizontalement dans le palais est la seule technique actuelle qui pourrait réduire les effets néfastes de l’hypofonction osseuse lors de cette phase de temporisation dans la prise en charge de nos patients. Elle pourrait aussi à l’avenir être utilisée comme solution d’usage en parallèle à la réalisation d’un bridge collé cantilever pour préserver le rôle esthétique et fonctionnel joué par le rempart alvéolaire sans hypothéquer la mise en place future d’un implant. Cette solution attirera peut-être une attention toute particulière, et se devra d’être proposée parmi le panel des solutions prothétiques de temporisation. Elle est esthétique, fixe, relativement confortable, et permettrait, à bas coût, la préservation osseuse de la crête alvéolaire du patient. Elle peut déjà être réalisée par l’omnipraticien seul, ou en coordination avec l’orthodontiste pour l’implantation et la réalisation du sectionnel.

Les auteurs remercient le Pr Virginie MONNET-CORTI, le Dr Stéphane BARTHELEMI et le Dr Michel LE GALL pour leur soutien et conseils avisés.

Bibliographie :

  1. Bentahar Z, Barquins M, Clin M, Bouhammad N, El Boussiri K. Performances tribologiques de l’acier inoxydable, du TMA et du Cu-NiTi recouverts de DLC. International Orthod. 2008;6:335-342.
  2. Bouchard P. Parodontologie et dentisterie implantaire. Volume 2. Thérapeutiques Chirurgicales. Aménagement chirurgical des crêtes édentées; Edition Lavoisier 2016 ;283-297.
  3. Ciarlantini R, Melsen B. Miniscrew-Retained Pontics in Growng Patients: A Biological Approach. J Clin Orthod. 2012 Oct;46(10):638-40.
  4. Melsen B, Huja SS, Chien HH, Dalstra M. Alveolar bone preservation subsequent to miniscrew implant placement in a canine model. Orthod Craniofac Res. 2015 May;18(2):77-85
  5. Melsen B, Lang NP. Biological reactions of alveolar bone to orthodontic loading of oral implants.

Oral Implants Res 2001:12(2);144-52.

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